JULIEN RUPP
Hésitant sans cesse entre l’abstraction et le figuratif, l’artiste travaille sur des combinaisons de couleurs et de traits, des harmonies qu’il veut dérangeantes et capables de faire plaisir à l’œil en même temps.
Il y a chez Julien Rupp une fascination pour les rayures, voire pour les ratures. Elles servent d’une façon ou une autre à occuper l’espace de la toile pour, dans un premier temps, concéder une organisation et, dans un second temps, déborder des motifs, voire les remplacer. Elles donnent ainsi l’impression de les faire tenir ensemble, mais dans une construction brouillée.
L’importance des lignes et des bandes se retrouve dans la plupart de ces réalisations, avec une constante volonté d’encombrer les personnages qu’ils représentent. Ce sont des bandes qui enferment, surlignent, se surimposent. On y retrouve parfois une volonté de biffer, comme pour Mr M, Kimono, Cobalt Blue et Kummer der nation (chagrin de la nation), évoquant des formes de palissade qui témoigneraient de la difficulté à sortir de soi pour aller vers l’autre et inversement.
Malgré un intérêt très fort pour l’art abstrait, Julien Rupp recourt à une abstraction qui reste figurative du fait qu’elle se sert de lignes et de couleurs qui ne se détachent pas des contours. L’artiste veut rester ainsi dans cet entre-deux qui détermine son rapport au monde. Car son travail ne cesse de se nourrir d’une hésitation entre la réalité extérieure et sa propre réalité intérieure, sans cesse pris dans ce va-et-vient qui détermine son regard et impressionne ses sens.
Ainsi, les thèmes choisis par l’artiste, malgré leur variété, sont divisés en deux pôles, le premier tourné vers un réel évoquant différents univers : maritimes avec Navy, Das Meer et Red Wave, urbains avec Dublin, festifs avec une foule en liesse dans Techno Parade, …. Le second plus spirituel et retournés vers soi, dans des dimensions oniriques avec Dreams, liée à des états d’esprit avec The Situation et Changing Mind ou des impressions prises sur le vif avec Just Like That, ou encore une simple idée, un symbole (Her Majesty).
Ses nombreuses influences sont facilement lisibles et d’ailleurs assumées. Elle révèle une curiosité sans borne pour ses prédécesseurs dans l’art. Qu’il s’agisse de Sean Scully, de Pierre Soulages, de Gerhart Richter, de Francis Bacon, d’Oskar Kokoschka, de Mark Rothko ou de Vincent Van Gogh, tous ces artistes lui donnent matière à organiser ses propres ressentis. Des artistes auxquels il reprend parfois un vocabulaire précis de trames, de lignes et de bandes colorées qui forment un champs optique varié.
S’il emprunte beaucoup à l’expressionisme abstrait son vocabulaire, Rupp le tire vers son propre univers pictural afin de révéler des émotions fugaces, des visions à peine entrevues qui ne laissent qu’une impression brouillée, à peine reconnaissable, mais qui persistent et s’imposent dans son imaginaire.
Dans ses portraits, le visage n’a qu’une importance secondaire. Il peut être biffé, flouté ou tout simplement absent. Parce qu’il importe peu pour l’artiste qu’une figure soit abstraite ou concrète. Il ne s’agit pas ici de reconnaissance, mais d’une connaissance plus intime des états psychiques. Le motif n’est que prétexte. En favorisant ainsi l’anonymat avec parfois des corps sans tête (Black N White, La Japonaise), l'artiste cherche à identifier ce qui le préoccupe le plus au quotidien, cette constante interrogation sur ses propres angoisses liées à l’identité. On retrouve cette persévérance qui imprègne ses toiles, avec une évidence flagrante dans Moonlight Sonata, montrant un corps au visage flouté représenté à côté de lignes alignées et barrées qui évoquent le temps passé, comme il s’en trouve dans les cellules carcérales.
L’aliénation enferme. Sortir de soi pour mieux y retourner pourrait résumer la quête de Julien Rupp, en prenant la peinture à témoins à travers ces illustres prédécesseurs qui ne cessent de l’inspirer.
Agathe Anglionin
Architecte | Curatrice
The artist is not in search of an aesthetic formula, but rather of the expression of his own psyche, from a perspective reminiscent of Art Brut, seeking to distance
alienation and neutralize it with aesthetic forms.
Constantly vacillating between the abstract and the figurative, the artist works on combinations and harmonies that are both disturbing and pleasing to the eye at the same time.
Julien Rupp has a fascination for stripes, even erasures. They serve in one way or another to occupy the space of the canvas in order, firstly, to concede an organization and, in a second phase, to overflow the motifs or even replace them. They give the impression of holding them together, but in a blurred construction.
The importance of lines and stripes can be seen in most of these creations, with a constant desire to clutter up the figures they represent. These bands
enclose, highlight and superimpose themselves. Sometimes there's a desire to cross out, as in Mr. M, Kimono, Cobalt Blue and Kummer der nation (nation's sorrow), evoking forms of palisade, evoking the difficulty of stepping outside oneself to reach out to others and vice versa.
Despite a strong interest in abstract art, Julien Rupp uses an abstraction that remains figurative in that it uses lines and colors that are not detached from contours.
The artist wants to remain in this in-between state that determines his relationship with the world. For his between outer reality and his own inner reality, constantly caught in this in-between reality, constantly caught up in the back-and-forth that shapes his gaze and impresses his senses.
Thus, the themes chosen by the artist, despite their variety, are divided into two poles.
The first is focused on a reality that evokes different universes: maritime with Navy, Das Meer and Red Wave, urban with Dublin, festive with a jubilant crowd in Techno Parade, .... The second, more spiritual and inward-looking, in dreamlike dimensions with Dreams, linked to states of mind with The Situation and Changing Mind, or impressions taken on the spot with Just Like That, or a simple idea or symbol (Her Majesty).
His many influences are easy to read and readily acknowledged. He reveals a
curiosity about his predecessors in the art world. Whether it's Sean Scully, Pierre Soulages, Gerhart Richter, Francis Bacon, Oskar Kokoschka, Mark Rothko or Vincent Van Gogh, all these artists give him material to organize his own feelings. From artists from whom he sometimes adopts a precise vocabulary of grids, lines and colored bands that form a varied optical field.
While he borrows much of his vocabulary from Abstract Expressionism, Rupp draws on it in his own to reveal fleeting emotions, barely glimpsed visions that leave only a blurred impression, but that persist and impose themselves in his imagination.
In his portraits, the face is of secondary importance. It can be crossed out, blurred or simply absent. Because it matters little to the artist whether a figure is abstract or concrete. It's not a question of recognition, but of a more intimate knowledge of psychic states.
The motif is merely a pretext. By favoring anonymity, sometimes with headless bodies headless bodies (Black N White, La Japonaise), the artist is seeking to identify what preoccupies him most on a daily basis, the constant questioning of his own identity-related anxieties.
This perseverance permeates his canvases, and is blatantly evident in Moonlight Sonata, showing a body with a blurred face depicted next to aligned, crossed-out lines that evoke the past, like those found in prison cells.
Alienation imprisons. Julien Rupp's quest could be summed up in this way: to get out of oneself in order to get back in.
Rupp's quest, taking painting as a witness through the illustrious predecessors who continue to inspire him.
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